La détention... pour quelle réinsertion ?

 

 

Oui, il est légitime que la société sanctionne et soumette à réparation l’auteur d’un délit, d’un crime -eu égard à la ou aux victimes-. Et qu’elle fasse prendre conscience de l’acte accompli… Mais pour éviter la récidive, la prison doit aussi travailler à la « réinsertion », c’est-à-dire préparer le/la détenu/e à sa sortie. Or, ce volet du passage en prison n’est pas assuré, trop de sorties sont « sèches » c’est-à-dire sans véritable préparation… C’est ainsi que la prison punit mais elle échoue à réinsérer… Pourtant, c’est l’un des objectifs premiers de la nouvelle loi pénitentiaire adoptée par le Parlement en août dernier. Pourquoi ?

 

Par son fonctionnement même et les conditions de la détention…

En effet, comme l’écrivent Mgr Brunin et Mgr Lebrun [1], « l’incarcération, pour les courtes peines en particulier, est un facteur désocialisant et déstructurant de la personne ». Aucune initiative n’est laissée à la personne détenue. La vie en prison se résume à être enfermé avec des codétenus que l’on n’a pas forcément  choisis, et vivre, avec lui/elle, 21 heures sur 24, entre quatre murs, avec pour seul horizon un petit vasistas grillagé, ouvrant sur un petit coin de ciel bleu ou gris, c’est selon les saisons – en dehors des deux « promenades » par jour, quand on y va… C’est la surpopulation : c’est-à-dire des cellules prévues pour deux et où l’on vit à 3 voire quatre, avec des matelas à même le sol pour dormir… C’est la promiscuité dans la cellule, avec une cuvette de WC dans un coin de la cellule fermé par un rideau plastique, sans parler des douches où l’on se rend à plusieurs et qui sont souvent dans un état de vétusté et de saleté repoussant… Ce sont aussi les demandes pour avoir un petit travail -ne serait-ce que pour se changer les idées- et qui restent sans réponse, générant l’ennui à longueur de journée et l’irascibilité.

Il n’est pas rare que des sortant/e/s quittent les établissements pénitentiaires avec moins de 40 euros en poche, ne sachant où aller, car trop souvent les liens familiaux sont rompus ou ne sont plus souhaitables. Certes, comme on l’a vu par ailleurs dans ce dossier, le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) prépare les sorties mais manque de moyens, de temps et de personnel.

Faut-il alors s’étonner  que 63% des personnes sortant de prison sans aménagement de peine y retournent dans les cinq ans ? Et quelle réinsertion et quel comportement responsable attendre de celui ou de celle qu’on atteint dans sa dignité même ?

Faut-il pour autant baisser les bras ? Sur le Douaisis et le Cambrésis une coordination regroupant le Secours Catholique, les Compagnons de l’Espoir, le « 115 », le CEAS (Centre d’Études et d’Action Sociale), l’Aumônerie Catholique, la Croix Rouge, les Visiteurs de prisons, etc. est en train de s’organiser autour du SPIP pour parrainer et accompagner les « sortant/e/s ».

Car, comme le rappelait le Pape François, il y a quelques temps en s’adressant aux participant/e/s à deux congrès internationaux de droit pénal, il ne faut pas « confondre réparation et punition ». Et d’ajouter « un œil ou une dent abimés ne se réparent pas en en abîmant un autre… Ce serait une erreur de confondre la justice et la vengeance. Cela ne ferait qu’augmenter la violence… ». Et de conclure : « la justice doit être humanisante et réellement capable de réconcilier ».

Henri Lourdelle

Aumônier maison d’arrêt de Douai

 

[1] La Lettre de l’Aumônerie Catholique des Prisons, L’appel aux communautés.

Article publié par Cathocambrai • Publié le Lundi 27 octobre 2014 - 17h21 • 2621 visites

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